Enquête à Paris (Scion) – Episode 1 : From Paris with love

Notre univers peuplé de légendes n’est pas encore prêt à découvrir la vérité qui pèse sur notre monde : le divin est parmi nous et de nombreuses forces surnaturelles sont à l’œuvre dans l’ombre. Pour le bien de l’humanité, les Dieux et Déesses des différents panthéons influant sur les destinées ont décidé de garder leur existence secrète et de ne plus interférer directement avec les Hommes. A la place, pour accomplir prophéties, quêtes et exploits, ils envoient leurs émissaires : les Scions. Les Scions sont des demi-dieux issus de l’union d’une divinité et d’un mortel et voués à faire le lien entre les deux mondes. Les missions de leurs parents divins leur sont directement confiées, et ils parcourent le monde afin de contrecarrer les plans diaboliques de leurs ennemis : les Titans et leurs engeances.


Cette histoire est le prologue de la campagne « Amnésie chez les Celtes » et se déroule dans le même univers que la campagne « Héra, pour le meilleur et pour le pire ».

Nos joueurs pour cette partie sont :

  • Morgane interprétant Nadir, scion de Ptah
  • Simon (alias Sbouv) interprétant Bachil, scion de Geb.
  • Guillaume interprétant Naata, scion de Huitzilopochtli.
  • Lucile interprétant Milena, scion de Hel.

Elle a été menée d’une main de maître par Tom.


Nadir agrippa nerveusement les accoudoirs de son fauteuil. L’avion amorçait sa descente vers l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle et l’angle de l’appareil l’angoissait toujours à l’atterrissage. Sa nature profonde lui soufflait toujours que la meilleure façon de vivre sereinement, c’était les deux pieds bien plantés dans le sol rassurant du plancher des vaches. Un peu plus loin dans la rangée de sièges, Bachil, son compagnon de mission, lui sourit d’un air rassurant en levant le pouce. Lui non plus n’aimait guère les avions. En tant que fils de divinités liées à la terre, ils se comprenaient bien : Bachil était un fils de Geb, le dieu égyptien primordial de cet élément. Cela ne faisait pourtant que quelques heures qu’ils s’étaient rencontrés, faisant connaissance dans l’aéroport du Caire pendant l’enregistrement de leurs bagages respectifs. Il était souvent aisé pour des Scions de se reconnaître parmi les mortels et ils n’avaient eu aucun mal à s’identifier mutuellement.

Malgré les encouragements de son camarade, Nadir entreprit de fermer les yeux tout en adressant au passage une petite prière à Ptah, le dieu de l’artisanat du panthéon égyptien et, accessoirement, son paternel. Puis, il passa ses mains dans ses cheveux noirs et soyeux pour les réarranger un peu. C’est finalement sans encombre que l’avion se posa sur le tarmac, permettant à ses passagers de découvrir la capitale française. Tirant une petite valise derrière lui, il attendit que Bachil le rejoigne afin de partager un taxi. Celui-ci surgit bientôt de la foule, portant à bout de bras une cage à oiseau recouverte d’un tissu, masquant l’animal qui se trouvait à l’intérieur. Il portait un imperméable beige, semblable à ceux des détectives dans les séries clichées, et une barbe fournie et soignée couvrait ses joues basanées. La trentaine, il était un peu plus vieux et mieux bâti que son camarade. En effet, Nadir était un jeune homme séduisant de haute taille, mais sa minceur le faisait ressembler à une sorte de grande asperge dégingandée. Les deux compères s’installèrent dans une voiture, Bachil déposant précautionneusement la cage sur ses genoux malgré le regard inquisiteur de leur chauffeur, et le barbu demanda :

« Est-ce que tu as un hôtel pour séjourner ici ?

– Non pas encore.

– Eh bien nous pouvons loger dans le même si tu veux ! J’ai réservé le mien non loin de l’adresse qui nous a été donnée. »

Nadir hocha la tête, approuvant la proposition de son camarade. Le messager des dieux qui lui avait confié sa mission avait été très bref dans sa description : « Des enlèvements et des meurtres suspects ont lieux à Paris. Ordre d’enquêter sur ces évènements. Votre contact, Nadia Nour, Scion d’Isis, vous attendra au P’tit Grec, rue Mouffetard après-demain soir. » Le ciel gris du soir tombant qui défilait par les fenêtres du véhicule lui indiqua qu’ils auraient le temps de déposer leurs affaires avant de se rendre au rendez-vous. Il se cala dans son siège et profita de la vue.


A quelques kilomètres de là, dans un HLM de banlieue parisienne, une jeune femme répondant au nom de Naata s’adonnait à une curieuse activité : d’une main, elle s’évertuait à fixer le fourreau d’une machette dans son dos, tandis que de l’autre, elle gérait la température d’un chauffe-biberon. Dans la pièce voisine, un enfant braillait. « J’arrive mon chéri ! » cria-t-elle, abandonnant la fixation de l’arme pour apporter au bambin ce qu’il réclamait. Agrippant le biberon avec une vigueur toute particulière, le bébé se mit à téter goulument. « Tu as intérêt d’être sage pendant que je ne serai pas là compris ? Ca ne sera pas long, Maman part juste en mission dans Paris. » Enonça-t-elle en reprenant son équipement auquel elle ajouta une seconde machette. Elle s’assura que les deux lames étaient correctement ajustées avant d’enfiler une veste à fourrure par-dessus, les dissimulant efficacement. Faisant volte-face, les mains sur les hanches, elle vérifia dans un grand miroir qui lui faisait face que rien ne laissait présager la présence des armes. Malgré la taille généreuse de la glace, son image peinait à rentrer à l’intérieur tant sa carrure était impressionnante : grande, élancée, avec des épaules à faire pâlir un athlète, Naata avait tout de l’amazone des temps modernes. En tant que fille de Huitzilopochtli, le dieu de la guerre et du soleil du panthéon aztèque, la guerrière avait de qui tenir ! Son visage hâlé aux lèvres pleines adoucissait avec peine la sévérité de son regard tranchant. Le genre de femme qu’il valait mieux ne pas se mettre à dos.

Satisfaite de ses préparatifs, elle empoigna ses clefs, puis ramassa un petit sac rempli d’affaires pour bébé avant de soulever son fils sur ses épaules qui s’y assit en babillant. Elle dut se baisser en passant la porte de l’appartement sous peine d’assommer l’enfant, et frappa chez sa voisine qui ouvrit la porte à la volée. C’était une petite dame ronde, aussi haute que large, dont les cheveux bruns frisés et grisonnants étaient attachés dans un chignon lâche mettant en valeur ses joues roses et rebondies.

« Bonsoir Maria, je te confie mon fils comme prévu !

– Ah si, bien sûr ! » répondit celle qui avait tout d’une mamma, dont un accent italien à couper au couteau.

Elle attrapa l’enfant qui gazouilla de plaisir devant sa nounou préférée. Naata lui ébouriffa les cheveux tendrement.

« Ca ne devrait pas être très long, indiqua-t-elle, je pense rentrer ce soir, peut-être tard dans la nuit.

– Non ti preoccupa bella ! Bambino et moi t’attendrons tranquillement comme d’habitude !

– Merci Maria ! A plus tard ! »

La jeune femme fit un petit signe de la main avant de dévaler les escaliers de l’immeuble. Elle vérifia une nouvelle fois l’adresse : « Le P’tit Grec, rue Mouffetard » et courut vers la gare RER la plus proche.


Le soir était à présent bien tombé sur Paris, et un vent froid soufflait dans les rues, mais cela ne décourageait pas les passants de cette ville foisonnante qui s’emmitouflaient dans d’épais manteaux ou doudounes afin de continuer leurs achats, ou pour partir à la recherche d’un restaurant, d’un bar ou d’un café pour se réchauffer. Dans cette foule frileuse, une jeune fille qui devait avoir la vingtaine tout au plus, détonnait parfaitement. Vêtue d’un simple t-shirt gris-bleu et d’une veste cloutée en cuir noir léger, assortis d’un jean déchiré et de rangers, un sac de voyage sur l’épaule, elle ne semblait tout simplement pas remarquer la température glaciale autour d’elle. Son look, oscillant quelque part entre le punk et le grunge, et son teint blafard paraissaient écarter les gens qui se détournaient sur son passage. Il y avait quelque chose de morbide dans les traits minces de son visage aux yeux bleus très clairs cerclés de crayon noir : sans être objectivement repoussante, elle éveillait chez les passants un sentiment de malaise inexplicable.

Sans se préoccuper le moins du monde de l’effet qu’elle produisait autour d’elle, Milena repoussa les cheveux noirs et raides qui lui tombaient dans le visage, décoiffée par le vent, et observa la devanture du restaurant devant lequel elle se tenait. Le P’tit Grec arborait une devanture bleu clair sans prétention devant laquelle une queue d’affamés attendait des plats à emporter. La jeune fille fronça les sourcils : c’était une crêperie. Pourquoi ce nom étrange pour une gastronomie qui n’avait visiblement rien à voir ? Elle secoua la tête, elle n’était finalement plus à une bizarrerie près ; le monde des vivants la déconcertait chaque jour un peu plus.

Elle entreprit de sonder la foule à la recherche de ses coéquipiers potentiels ou du contact qu’on lui avait recommandé. Elle pesta une fois de plus sur les lacunes que comportait le message : la fille de Hel, déesse viking de la mort, aimait la précision. Soudain, elle aperçut au dessus de la foule un grand oiseau semblable à un héron. Elle plissa les yeux intriguée : il s’agissait visiblement d’un bénou, l’oiseau sacré du panthéon égyptien censé représenter le bâ, l’âme. Scrutant les alentours, elle distingua deux hommes à la peau basanée qui s’approchaient du lieu. Son instinct divin lui souffla qu’il s’agissait là de deux Scions, et elle s’avança à leur rencontre.

Bachil et Nadir levèrent la main en signe de salut, reconnaissant en elle une semblable.

« Bonsoir, tu es là pour Nadia Nour toi aussi ? demanda Nadir pour s’en assurer.

– Oui, Milena, Scion de Hel, enchantée. »

Tandis qu’ils se présentaient, Naata fendit la foule derrière eux et s’avança directement vers le petit groupe.

« Nadia Nour ? demanda Bachil en se tournant vers elle.

– Non, Naata, fille de Huitzilopochtli, mais je suis là pour l’enquête aussi.

– Ah très bien. »

Ils se serrèrent la main.

« Bien, j’imagine que nous avons tous reçu les mêmes informations ? demanda Naata avec assurance.

– Si les vôtres sont aussi lapidaires que les miennes, oui, confirma Milena d’un ton contrarié, J’en attends beaucoup de notre contact, sans quoi ce sera difficile de savoir où commencer…

– Oui, d’autant que nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour nous préparer ! renchérit Nadir.

– J’ai tout juste eu le temps de consulter les info avant de venir, leur confia Bachil, Je suis inspecteur de police en Egypte vous savez ? D’après ce que j’ai pu apprendre, une série d’enlèvements ont eu lieu il y a quelques semaines, inquiétant les autorités de Paris. Et puis cette semaine, il y a eu une série de quatre meurtres. Les journaux parlent d’un « Boucher de Paris », ça commence à faire vraiment peur aux gens.

– Intéressant. » Commenta Naata.

Alors qu’elle s’apprêtait à demander en quoi les deux affaires étaient liées, les sens mystiques de Milena s’éveillèrent : son ouïe surnaturelle perçut un cri de terreur percer la nuit. Dans le brouhaha de la rue commerçante, personne d’autre qu’elle ne l’entendit. Elle tira par la manche l’un de ses compagnons, espérant entraîner tout le groupe à sa suite, et se précipita vers l’origine du bruit. Slalomant entre les passants, les Scions se frayèrent un passage dans la foule et débouchèrent sur une ruelle adjacente. Le lampadaire chargé de l’éclairer était visiblement défectueux, seul le suivant accordait un peu de lumière à la scène. Naata perçut immédiatement l’odeur du sang et dégaina l’une de ses machettes en s’avançant précautionneusement. Derrière elle, elle entendit divers sons métalliques ou de vêtements froissés et comprit que ses compagnons avaient sorti leurs propres armes dissimulées de diverses façons. A la faveur d’un reflet sur une lame, les quatre Scions découvrirent alors une scène macabre.

Penchée sur un corps au sol au milieu d’une flaque de sang, une monstrueuse créature aux bras démesurés se délectait de quelque chose de sanguinolent. Humanoïde à première vue, la peau écailleuse du monstre luisait doucement à la lueur diffuse du lointain lampadaire. Sa mâchoire difforme aux crocs effilés se tourna dans la direction du groupe de demi-dieux et deux yeux jaunes à la pupille verticale les toisèrent. Et soudainement, la créature se redressa et s’enfuit. Sans concertation, les quatre Scions s’activèrent : Naata se précipita vers le corps délaissé par le monstre, Bachil et Milena se précipitèrent à la poursuite du monstre et Nadir fouilla fébrilement les environs.

Malheureusement pour la pauvre victime, il était déjà trop tard. Naata le sut avant même de poser ses doigts dans son cou à la recherche d’un éventuel pouls. Le cadavre était celui d’une femme dont la beauté presque douloureuse frappait au premier regard. Son visage était figé dans une expression de terreur et de surprise. Son ventre et sa poitrine avaient été atrocement lacérés et une impressionnante quantité de sang était répandue au sol. Il n’y avait plus rien à faire. Naata sortit son téléphone pour appeler la police avant que des curieux ne s’approchent et ne compromettent la scène de crime, mais elle interrompit quelques secondes son geste, intriguée par un détail lugubre. Son ascendance aztèque et la culture sacrificielle qui l’accompagnait  avaient forgé son regard à reconnaître certaines pratiques : si les lacérations de l’abdomen qui avaient tué la femme étaient brutales et grossières, celles de sa poitrine étaient bien plus méticuleuses et avaient écarté les côtes afin d’extraire le cœur de la victime. Etait-ce cela dont la créature se repaissait avant d’être interrompue par leur arrivée ? Fronçant les sourcils, Naata composa le 17.

Plus loin dans les rues de Paris, Milena et Bachil couraient de toutes leurs forces, guidés par le bénou de l’Egyptien qui suivait le monstre depuis le ciel. Chacun d’eux avait puisé dans ses capacités divines pour transcender la vitesse, et tentait de gagner du terrain sur la créature. Celle-ci avait plusieurs dizaines de mètres d’avance sur eux et se mouvait avec une aisance surprenante, s’aidant de ses quatre membres comme un chien. Soudain, elle bifurqua dans une rue perpendiculaire et ils la perdirent de vue quelques secondes. Quand ils débouchèrent à sa suite sur un cul-de-sac, elle avait disparu. Ils inspectèrent immédiatement les alentours et trouvèrent une grille d’évacuation des eaux usées complètement enfoncée le long d’un mur. Milena passa prudemment la tête dans l’ouverture et scruta les ténèbres.

« Ca mène probablement aux égouts… lâcha-t-elle.

– Attends un peu. »

Bachil se concentra quelques secondes et frappa brutalement le sol du pied en fermant les yeux. Le don de perception que lui avait accordé son père s’éveilla alors. Il eut l’impression de visualiser l’onde infime qu’il avait déclenchée en frappant le sol et appréhenda l’espace qui s’étendait sous lui : aucun doute, le boyau sombre menait à une cavité bien plus grande qui s’élançait dans un long tunnel dans lequel la créature s’éloignait à toute vitesse. Il ne perçut bientôt plus rien et se tourna vers Milena.

« Oui, ce sont bien les égouts, et notre monstre semble bien les connaître. Nous ne pouvons plus le rattraper. Viens, rejoignons les autres. »

Ils repartirent au pas de course.

Dans la ruelle sombre, Nadir avait du mal à trouver le moindre indice intéressant. Il inspecta les murs et le sol et trouva un petit pendentif en forme d’ankh probablement arraché à la victime pendant l’attaque. Il reconnut là immédiatement le symbole d’Isis et son sang se glaça. Ils avaient rendez-vous avec une Scion d’Isis. La coïncidence était trop grosse. Venaient-ils de perdre leur contact ? Décontenancé, il reprit ses recherches, contournant deux grosses bennes à ordures. Il s’accroupit soudain. Derrière les poubelles se trouvait un bénou mort, le flanc lacéré d’un coup de griffe. Il ramassa le corps de l’oiseau qu’il ne pouvait laisser à la police : les simples mortels ne devaient avoir aucun indice concernant le monde divin, il ne pouvait laisser une telle preuve entre leurs mains. Ce n’était pas celui de Bachil, qui avait suivi son maître dans sa poursuite, il ne pouvait donc s’agir que de celui de la victime. Nadir n’avait maintenant plus aucun doute : cet animal sacré ne pouvait accompagner qu’un Scion du panthéon égyptien. La personne qui gisait aux pieds de Naata était Nadia Nour, il en était certain.

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