Cats : L’enfer des salons – Episode 5 : Fast and furious

La grille nous permet d’appréhender l’immense espace, sur lequel s’étalent les centaines de stands tenus par les éleveurs de tout poil, sans crainte d’être dérangés. L’angle de vue ne nous permet pas de tout englober mais cela est suffisant pour que nous puissions nous repérer. Sous nos pattes, nous apercevons des box remplis de petits chiens tous plus laids et baveux les uns que les autres. Il semblerait que la section qui nous intéresse se trouve de l’autre côté de la halle. Nous décidons de descendre le plus discrètement possible dans la place, de remonter les allées les plus étroites entre les différents vendeurs et de traverser ainsi tout le salon pour en atteindre la seconde moitié où se trouvent probablement les exposants de chats. Il n’est plus temps de tergiverser : nous rebroussons chemin pour emprunter un autre embranchement d’aération pour nous rapprocher du sol, trouvons une grille que nous balayons d’un revers de patte, et sautons au milieu des chiots.

Aussitôt, nous ne nous sentons plus en confiance : partout où nous posons les yeux, nous rencontrons des truffes humides et des langues pendantes. Les petits monstres poussent des jappements mi-agressifs, mi-apeurés à notre intention, ne sachant visiblement pas comment se comporter face à nous. Je feule en gonflant ma fourrure et la plupart détale en couinant tandis que nous poursuivons notre chemin. Ra’wraou saute sur une table, effrayant un chiot avachi dans un panier posé dessus, et observe les environs.

« Là-bas ! s’exclame-t-elle en tendant une patte devant elle, Je vois les stands de chatons, ils sont exposés un peu plus loin sur la gauche ! »

Ce faisant, elle attire sur elle l’attention d’un humain proche. L’éleveur sursaute en voyant un Siamois sur sa table d’exposition, dominant de toute sa taille son petit chien terrorisé.

« Hey toi ! Viens ici ! » hurle-t-il.

Et le voilà qui se rue vers Ra’wraou avec la ferme intention de l’attraper. C’est à partir de ce moment précis que les choses commencent à vraiment mal tourner. L’éleveur se fraye un chemin parmi les tables et les enclos qui s’enchevêtrent, écartant paniers et cages. Ses congénères des étals d’à côté, étonnés de ce raffut, se tournent vers lui et nous aperçoivent eux-aussi. Catastrophés à l’idée que six matous compromettent leurs petits monstres d’un coup de griffe imprévu, ils se lancent eux aussi à notre poursuite dans la marrée de bestioles et de présentoirs. Nous décampons sans demander notre reste. Avantagés par notre petite taille, nous nous faufilons entre les tables, causant une certaine agitation parmi les exposants. Hélas, nous n’avons en revanche aucune vision d’ensemble de la scène, et nous ne découvrons que trop tard que les humains s’organisent pour mettre la main sur nous. Au détour d’un minuscule couloir bordé de chihuahuas hargneux, nous nous retrouvons ainsi face à un humain furax tendant ses immenses mains pleines de doigts vers nos truffes. Nous freinons des quatre pattes, nous télescopant les uns les autres, nous retournons pour repartir dans l’autre sens, mais un autre humain nous barre la route. Pris au piège, nous ne savons que faire.

C’est alors que Meov’ow, le Ragdoll sans doute le plus souple et le plus acrobate de l’univers, se ramasse soudain sur lui-même avant de se détendre brusquement dans un saut périlleux absurde. C’est à la fois magnifique et complètement invraisemblable à regarder. Chacun des êtres assistant à la scène admire donc une parabole qui semble au ralenti tant elle est irréelle, passant au dessus des tables, des paniers et des gens, s’achevant contre un poteau où notre compagnon s’accroche de toutes ses griffes avec un miaulement de victoire. Remis de notre stupeur plus tôt que les humains (et que ces attardés de chihuahuas), nous profitons de la diversion pour filer entre les jambes de l’homme devant nous. Pas assez vite cependant car sa poigne se referme sur la peau du cou de Ra’wraou qui feule autant de surprise que de colère. Wra’lou sort alors les griffes et se jette sur l’assaillant. Ou plus précisément sur son postérieur. L’humain se met à hurler de douleur, envoyant valser le Siamois qu’il avait attrapé. Ra’wraou voltige dans une sorte d’imitation catastrophique du saut de Meov’ow avant de s’étaler dans l’enclos d’un chihuahua. C’est la débandade la plus totale. Wra’wraou, Mi’iuw et moi prenons de l’avance en profitant du chaos pour foncer vers la partie du salon consacrée aux chats. Derrière nous, Wra’lou échappe à l’humain qu’il vient de planter dans le derrière et s’enfuit à toutes pattes pour semer ses poursuivants. Meov’ow pour l’instant hors d’atteinte se met à miauler bruyamment, hurlant comme une porte mal graissée s’essayant au chant lyrique pour attirer l’attention des éleveurs à la traine qui pourraient encore nous courser.

Ra’wraou elle, se redresse… et tombe nez à nez face au pire des représentants canins que l’on puisse imaginer : un chihuahua. Ou plutôt, ce croisement improbable entre un rat d’égout et une chauve-souris que l’on s’obstine à considérer comme un chien. L’atrocité biologique retrousse les babines sur des crocs pointus et grogne comme elle peut compte tenu de la taille risible de sa cage thoracique. Ra’wraou se gonfle de toute l’épaisseur de ses poils. Des griffes aiguisées jaillissent de ses pattes. Tendue à l’extrême, elle attend le moment propice ou le sale cabot va se jeter sur elle. Soudain, elle perçoit un léger fléchissement dans les… hum… pattes ? Du moins les petites baguettes qui lui en tiennent lieu. Alors que la honte de l’évolution animale bondit, Ra’wraou exécute un pas de côté et balance sa patte griffue dans la truffe du prétendu molosse. Un couinement de douleur lui indique aussitôt qu’elle a gagné le combat. Le minuscule chien fait machine arrière et se recroqueville dans un coin, la patte sur son museau égratigné. Le Siamois sourit, souffle sur ses griffes comme le font les humains sur leurs armes… et prend la poudre d’escampette en apercevant le propriétaire de sa victime se précipiter vers elle.

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