La quête de l’IRA – Épisode 5 : Cú Chulainn

Ce tunnel secret était relativement droit, sans virage, ni courbure d’aucune sorte. Il ne descendait, ni ne prenait de la hauteur.

Sigmund et Armand purent enfin percevoir ce que leur camarades avait repéré plutôt. Des pleurs, ou plutôt des phrases inintelligibles ponctuée de sanglot qui résonnait dans la veine. Après avoir marché une centaine de mètre de marche dans la quasi obscurité, ils découvrirent un homme assit sur le sol, recroquevillé sur lui-même. Portant un haillon délabré, il avait ramené ses genoux contre son torse. Ses mains rouges, dégoulinantes de sang partiellement séché, montrait à la lumière l’absence d’ongles au bout de ses doigts, comme si on les lui avait arraché. Il les avait plaqué sur son visage, barbouillant sa peau et ses cheveux noirs et graisseux. Il se balançait frénétiquement et murmurait des phrases incompréhensibles :

ph’nglui mglw’nafh cthulhu r’lyeh wgah’nagl fhtagn bru nya boyne cu cuhlain

Armand leva rapidement sa main pour signaler aux autres un arrêt immédiat. Cette situation —tout comme cet individu— n’était pas habituelle et encore moins rassurante.

Félix recula sans vraiment sans rendre compte. Il n’aimait pas ce qu’il venait de trouver. En fait aucun d’entre eux n’appréciait cette découverte, mais seul lui le manifesta aussi clairement.

Premier réflexe en tant que médecin, Sigmund prit les devant. Il doubla Armand pour s’approcher de l’inconnu et demanda à ce dernier de rapprocher un peu sa lampe pour pouvoir l’examiner. Il se devait d’effectuer une rapide auscultation pour palier au plus urgent.

Monsieur ? Est-ce que vous m’entendez ? demanda-t-il doucement.

L’homme continua de délirer, répétant en boucle la même phrase sibylline :

…ph’nglui mglw’nafh cthulhu r’lyeh wgah’nagl fhtagn bru nya boyne cu cuhlain…

De plus près, Sigmund constata avec horreur de grosse griffures profonde sur son torse et le dos. L’homme était là, à se balancer d’avant en arrière, sans interruption, ne portant aucun intérêt à ces mots ni au reste du groupe. Le regard remplit d’effroi.

— Il est en état de choc. En conclut le médecin à haute voix. Ses plaies sont très sérieuse et ses mains ne cessent de saigner.

En prenant doucement ses mains pour les examiner, Sigmund découvrit le visage de leur victime : il était boursouflé, amoché par endroit. Qu’il puisse se faire de tels hématomes tout seul était impossible.

— Mon nom est Sigmund et je suis médecin. Se présenta-t-il en posant une main rassurante sur l’épaule de l’inconnu. Je vais vous aider.

Aucune réaction de la part du blessé. Sigmund tenta alors d’effectuer des premiers soins sommaires. Il avait sur lui quelques bandelettes et compresses, qu’il apposa précautionneusement et en décrivant ses moindres faits et gestes pour ne pas effrayer le blesser et surtout le mettre en confiance.

L’homme se laissa faire, tremblant, tétanisé par la peur, répétant ces phrases sans queue ni tête. Sigmund croisa son regard qui se redressa tout d’un coup. Lui parlant avec le même charabia sans interruption. Tout en bandant ses mains, le psychanalyste tenta de discerner un paterne répétitif et logique dans ces propos. Ce n’était ni de l’anglais, ni de l’irlandais. Pourtant, il avait l’air d’être du coin, Sigmund ne voyait pas d’où, pouvait-il venir autrement.

Il lui protégea le bout des doigts, mais cela lui prit un long moment. Le groupe attendit, observant cérémonieusement ses actions, n’osant pas troubler l’ambiance pesante qui régnait dans la galerie.

ph’nglui mglw’nafh cthulhu r’lyeh wgah’nagl fhtagn bru nya boyne cu cuhlain

Sigmund perçut dans son charabia un mot qui revenait et qu’il arrivait à comprendre. Le terme “Cu Chulainn” ne lui était pas inconnu. Ce que disait cet homme avait peut-être un semblant de sens finalement, mais il n’osait pas y croire.

Il avait lu ce terme dans un traité sur l’Histoire et les anciens mythes étrangers lorsqu’il était encore étudiant. Dans ses souvenirs, “Cú Chulainn” était le nom d’un héros de la mythologie irlandaise. Des livres très anciens relataient ses exploits et combats contre différentes créatures et ennemis. Sigmund s’en souvint rapidement puisqu’à l’époque, il avait fait le rapprochement avec le mythe d’Hercule chez les Grecs et avait trouvé la ressemblance troublante.

Vous qui aimer les livres, commença Sigmund à l’intention de Sophie, est ce que “Cú Chulainn” vous dit quelque chose ? Je pense que notre nouvel ami se passionne pour les anciens mythes irlandais.

La jeune femme se faufila pour passer devant Félix et Armand et demanda à ce dernier de lui donner la lanterne. Sans répondre, elle passa Sigmund et leur inconnu et avança de quelques pas de plus dans le tunnel. Puis, après un long silence, elle répondit que cela ne lui disait rien et porta toute son attention sur les ténèbres lui faisant face. Brusquement, elle fronça les sourcils. Dans l’obscurité latente de la galerie, elle entendit au loin un nouveau bruit. Un bruit de battement lointain, mais qui semblait se rapprocher. Un bourdonnement qui se précisa après plusieurs secondes : c’était des bruits de pas précipités, accompagnés de plusieurs voix graves, violentes, agressives. Des voix d’hommes poursuivant quelque chose. Sophie nota l’intonation de la langue anglaise. Son visage se décomposa subitement, des personnes arrivaient sur eux à toute vitesse.

Des gens arrivent ! Il faut qu’on s’en aille toute de suite !

Sophie se retourna vivement vers les garçons et remonta tellement rapidement le groupe pour passer devant avec la lanterne qu’elle faillit tomber.

Il ne viendrait pas pour lui à tout hasard ?! paniqua Félix.

Il ne faut pas le laisser là ! hurla Sigmund en tenta de soulevant le blesser. Armand ! Aidez moi !

L’officier saisit leur homme par le bras et aida Sigmund à le porter jusqu’à la cave du restaurant. Le blessé se laissa —heureusement— faire, mais Sigmund n’eut pas le temps de terminer les soins. Ils coururent à perdre haleine la centaine de mètres qui les séparait de la cave du restaurant. Ils arrivèrent dans le sous-sol en trombe. Les bruits de pas derrière eux résonnait si fort qu’ils étaient désormais perceptibles par tous les membres du groupe. Ils les talonnaient.

Cachons-nous ! Vite ! haleta Félix.

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